La 5G et les Amish (deuxième partie)

Amish ratissant le foin dans le sud-est de l’Ohio

Nous avons vu la semaine dernière les évolutions de la téléphonie mobile qui nous permet aujourd’hui avec la 4G, à condition bien sûr d’avoir du réseau, d’accéder rapidement à l’Internet mondial et de pouvoir communiquer et échanger des informations de toute nature (photos, documents…) avec n’importe qui, quel que soit l’endroit où il se trouve.

Que peut donc nous apporter de plus la 5G ?

La vitesse

Encore une fois, les fréquences s’accroissent et les temps de transfert diminuent. Ainsi, le téléchargement d’un album musical de 12 titres qui prend aujourd’hui 15 secondes en 4G n’en prendra plus que 3, soit 12 secondes de gagnées…  c’est sûr que ça va révolutionner nos vies !

Le contrôle des objets à distance

C’est quoi un objet à distance ? Par exemple, une voiture autonome, c’est-à-dire une voiture qui prend elle-même (via son informatique de bord évidemment) les décisions nécessaires pour pouvoir vous emmener en toute sécurité d’un point A à un point B.

Grâce au très faible temps de réactivité (ce qu’on appelle la « latence »), il sera possible de réagir très rapidement, pour effectuer un freinage d’urgence par exemple.  Mais imaginez-vous sérieusement un constructeur qui prendrait le risque de fabriquer une voiture qui aurait besoin d’un réseau sans fil pour déterminer comment réagir à un évènement urgent ? D’ailleurs des véhicules autonomes circulent déjà depuis plusieurs années sans avoir besoin de 5G.

La télémédecine

Rien de tel que de parler d’applications médicales pour emporter l’adhésion du public, car qui serait prêt à sacrifier sa santé dès lors que la 5G pourrait, sinon sauver des vies, au moins améliorer les diagnostics et gagner du temps ?

Tout d’abord, si notre système de santé était à la hauteur de ce qu’on est en droit d’attendre d’un pays développé comme la France, c’est-à-dire si nous pouvions avoir accès rapidement à des consultations en cabinet proches de notre domicile, on n’en serait pas à se poser ce genre de question.

Ensuite, tant que le délai pour passer une IRM restera de l’ordre de 6 semaines, ce n’est pas la 5G qui améliorera beaucoup les choses.

Enfin, les systèmes prévus pour la télémédecine, fonctionnent essentiellement via des applications fixes et non mobiles et il sera infiniment plus facile de faire une téléconsultation sur son ordinateur que sur le tout petit écran d’un téléphone. Le réseau sans fil n’est donc pas nécessaire… mais la fibre oui !

Certes, dans des zones désertiques du monde où le plus proche hôpital est à des heures de route en 4×4 par de mauvaises pistes et où il n’y a pas d’infrastructures filaires, cela peut se justifier, mais chez nous en France en 2021, non !

De nouveaux appareils

Pour pouvoir accéder à la 5G il sera nécessaire de changer son smartphone.

Les partisans de la 5G reconnaissent que le recyclage des anciens appareils et la fabrication des nouveaux va augmenter l’empreinte écologique. Mais, argument spécieux, ils précisent que les Français changeant déjà de téléphone tous les deux ans en moyenne alors même que leur appareil fonctionne encore, larrivée de la 5G ne changera pas grand-chose in fine. La belle affaire, nous allons droit dans le mur depuis des années, continuons donc ; Le Titanic coule mais l’orchestre joue toujours !

Une révolution industrielle génératrice d’emplois ?

C’est ce qu’on nous promet avec la conclusion péremptoire de notre ministre de l’Economie qui nous dit : « ce serait donc une erreur dramatique de s’en priver ».

N’avez-vous pas déjà entendu ce genre de discours par le passé ? Et pour quels résultats ?

On nous promet ainsi une augmentation de la production économique mondiale de 12 mille milliards de dollars au cours des 15 prochaines années. Peut-être, mais au bénéfice de qui ? 22 millions d’emplois sont également promis… On croirait entendre un bateleur vanter sa marchandise…

Et pour l’usager ?

Il faudra changer son téléphone mais aussi prendre un nouvel abonnement.

Actuellement, Orange et SFR proposent des forfaits 5G à 95 €/mois, ce qui fait donc 1140 euros par an… Belle somme pour gagner 12 secondes lors du téléchargement d’un album mp3 ! Et rappelons, pour comparaison, qu’on a accès à une trentaine de chaînes TNT pour 138 euros par an (prix de la redevance TV).

L’avis de la Convention Citoyenne pour le Climat

Rappelons que cette Convention Citoyenne a été mise en place par le Président de la République afin de proposer des solutions pour réduire de 40% nos émissions de gaz à effet de serre à l’horizon 2030 (par rapport à la référence de 1990).

La Convention s’est penchée sur la 5G dans son Objectif 12 qui s’intitulait « Accompagner l’évolution du numérique pour réduire ses impacts environnementaux »

Elle constate que « Le numérique est un formidable levier pour la transition écologique et la lutte contre le changement climatique » et souhaite que « d’ici 2025 le numérique soit un moyen pour participer à la transition et pas un outil qui contribue toujours davantage à la hausse des émissions ».

Elle note que « la quantité de minerais pour fabriquer des équipements numériques est limitée dans la nature, et que pour une grande partie, l’épuisement total est attendu d’ici 30 ans ».

Elle précise que « les émissions actuelles de gaz à effet de serre liées à notre consommation numérique sont très importantes et en constante augmentation » et qu’elles atteindront en 2025 le niveau de celles de l’industrie automobile.

Conformément à sa Lettre de Mission, la Convention préconise (entre autres mesures fortes) :

–  d’évaluer les avantages et les inconvénients de la 5G par rapport à la fibre avant et non après avoir accordé les licences pour son développement.

– d’instaurer un moratoire sur la mise en place de la 5G en attendant les résultats de l’évaluation (en cours) sur la santé et le climat.

Où en sommes-nous aujourd’hui ?

Contre l’avis de la Convention Citoyenne pour le Climat, en dépit des craintes sur les effets sur le vivant et malgré de nombreuses pétitions et recours en justice, le gouvernement a officiellement autorisé les opérateurs à activer leurs fréquences sur les sites déjà équipés en antennes.

Le déploiement de ce nouveau réseau nécessitera 10 mille nouveaux pylônes d’ici à 2025 puisqu’à fréquence plus élevée la portée est moindre (souvenons-nous des jours anciens où un seul émetteur grandes ondes suffisait à France Inter pour couvrir la métropole toute entière).

Puisque le but de son déploiement est de faire transiter plus de données, plus lourdes et en moins de temps, elle va démultiplier le volume de données à stocker dans le cloud, c’est-à-dire dans des data centers qu’il faudra alimenter en électricité en permanence.

Plus de machines, plus d’électricité, plus de données : où est la sobriété vantée par ses partisans ?

Enfin, la 5G permettra d’inonder l’environnement d’objets connectés, de mettre en réseau des caméras, drones, détecteurs de mouvement, ouvrant la voie à un monde ultra-automatisé, ultra-surveillé, dominé par l’intelligence artificielle, où le mot Liberté pourrait perdre beaucoup de son sens.