Les mégabassines en question

Qu’est-ce qu’une mégabassine ?

Un immense réservoir d’eau sur 8 à 10 hectares au beau milieu des champs, creusé à 10 ou 15 mètres de profondeur et tapissé de bâche plastique. Officiellement appelées « réserves de substitution », ces mégabassines peuvent emmagasiner jusqu’à 900 000 mètres cubes d’eau, soit l’équivalent de 360 piscines olympiques. Elles sont remplies en hiver par pompage direct dans les nappes phréatiques pour stocker l’eau et ainsi éviter de pomper celle-ci en saison chaude lorsque les nappes phréatiques et les cours d’eau sont au plus bas et que des arrêtés de crise restreignent l’irrigation. Cette technique peut paraître de simple bon sens mais cache d’autres enjeux.

Des mégabassines au service de qui et de quoi ?

Ces infrastructures agricoles très coûteuses sont réservées à l’agriculture industrielle essentiellement pour la monoculture intensive du maïs extrêmement gourmande en eau et destinée à l’élevage industriel et à l’export. Ces installations étant financées à 70 % par les pouvoirs publics, se pose la question du modèle agricole productiviste ainsi soutenu tandis que les opposants aux mégabassines défendent des pratiques agroécologiques plus respectueuses des sols et du cycle de l’eau. Ils critiquent l’accaparement de la réserve souterraine en eau par les agro-industriels pour compenser de surcroît des pratiques qui continuent à stériliser les sols. Les scientifiques dénoncent aussi les limites de ces réservoirs d’eau en surface car ils estiment l’évaporation entre 20 à 60%.

Quelle répartition de la ressource en eau ?

En se réservant l’eau des sous-sols, les agro-industriels se la privatisent en quelque sorte et en dépit de leurs voisins. Si les petits paysans, les maraîchers qui n’ont pas accès à ces infrastructures coûteuses n’ont plus d’eau, ils seront alors obligés de vendre leurs terres et il est facile d’imaginer par qui elles seront accaparées.

Les opposants voient donc en ces mégabassines un vrai danger pour la répartition de l’eau d’autant que la crise climatique pourrait bien faire de celle-ci une denrée rare. Les nappes phréatiques sont de moins en moins aptes à se recharger l’hiver et les seuils critiques sont atteints chaque année. Alors que la ressource va se raréfier en période estivale, quelle sera la répartition entre l’agro-industrie et l’eau potable pour les usagers ou même le stockage d’eau pour lutter contre les incendies ?

Le département de la Vendée a été le premier à s’équiper de mégabassines. Il en compte une trentaine en activité. La capacité de celle du Langon est de 851 000 m³ soit l’équivalent de la consommation annuelle d’eau de 15 754 personnes. Dans les Deux-Sèvres, celle de Sainte-Soline en construction, qui fait beaucoup parler d’elle, devrait avoir un volume de 720 000 m³. Une quinzaine ont été construites en Charente, une dizaine en Charente-Maritime et en Vienne, six dans les Deux-Sèvres qui en prévoit seize à l’avenir et bien d’autres projets sont en cours à travers la France notamment en Haute-Savoie pour la fabrication de neige artificielle…

La communauté scientifique est unanime: pour une bonne gestion de la ressource en eau, l’infiltration dans le sol est indispensable et il faut favoriser la création de zones humides qui fonctionnent comme des éponges. Or, ces ouvrages mettent en péril les écosystèmes dépendants des nappes phréatiques comme les cours d’eau et menacent même parfois les réserves en eau potable de la population. Le Marais Poitevin, deuxième zone humide de France, pourrait-il bientôt devoir changer de nom ?

Pour en savoir plus, le média Reporterre a consacré plusieurs articles à ce sujet comme cette interview d’un batelier du Marais Poitevin ICI ou encore cette tribune portée par des élus et 150 associations locales d’Indre-et-Loire ICI. Dans Ouest-France, un agriculteur vendéen propose une autre alternative à l’assèchement des rivières en Sud-Vendée ICI.

Et comme cette « guerre de l’eau » n’est pas prête de s’arrêter, toujours dans Reporterre, un article très éclairant ICI sur ce nouvel élément de langage, « l’écoterrorisme », issu de la lutte contre les mégabassines.

Sans oublier la croustillante chronique d’Usul et Cotentin sur la chaine de Médiapart, à visualiser ci-dessous:

3 réflexions au sujet de “Les mégabassines en question”

  1. Juste pour conclure, qu’est-ce que font les particuliers qui ont un jardin?
    Ils récupèrent l’eau de leur toiture dans des containers bien souvent en plastique ( aussi ) pour arroser le jardin l’été !
    À mon sens c’est exactement la même chose mais les agriculteurs ne cultivent pas les mêmes surfaces !
    Un des seuls points où on pourrait trouver à redire, c’est de donner l’accès à tous les agriculteurs, petits,grands et aussi maraîchers !

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  2. Cela semble être justement le problème: certaines céréales ont besoin d’eau plutôt au printemps donc naturellement apportée par les pluies tandis que le maïs en nécessite plus en été, période où sévit la sécheresse. Mais la question centrale qui fait polémique me semble être principalement la confrontation entre deux modes opposés d’agriculture. D’un côté, des monocultures destinées au bétail et à l’export peu respectueuses de l’environnement et de l’autre une agriculture plus diversifiée qui justement est destinée à nourrir la population avant tout locale. La proposition de l’agriculteur vendéen qui s’exprime dans Ouest France (lien dans l’article) n’est-elle pas aussi le bon sens même ? Envisager le développement de cultures de printemps plus appropriées pour répondre au problème généralisé de pénurie d’eau l’été et revenir à un mode de production destiné à l’alimentation locale n’est t-elle pas une piste sérieuse pour relever le défi du manque d’eau ? La raréfaction de l’eau en été ne va-t-elle pas nous obliger à transformer nos modes de culture ? En tout cas, il s’agit d’un vrai débat de société qui devrait engager tous les citoyens !

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  3. Le maïs qui est ciblé ici, aussi étonnant que cela puisse paraître, consomme moins d’eau qu’une céréale à paille telle que orge ou blé mais on en a besoin pendant la période estivale. Rien d’anormal de faire des réserves d’eau l’hiver pour les utiliser l’été ! C’est même juste du bon sens !
    L’écologie, c’est pas ce que veulent faire passer une minorité de gens qui sont contre tout et sont complètement déconnectés de la réalité de nécessité de nourrir la population !
    Le maïs est aussi une très bonne plante pour la nutrition animale !
    On ne pourra parler d’écologie qu’avec du bon sens !

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