Le Lot visé par les géants industriels du photovoltaïque

De nombreux projets de parcs photovoltaïques à grande échelle sont en cours dans notre département. Au sud, dans la vallée du Lot et du Célé ainsi que dans les environs de Montcuq, habitants et élus s’organisent pour faire barrage à la création de ces méga-centrales solaires.

Dans le Parc naturel régional des Causses du Quercy, sur la commune de Tour-de-Faure, TotalEnergies projette la construction d’une centrale photovoltaïque de 44 300 panneaux, qui s’étendra sur une surface de près de 20 hectares divisée en trois zones clôturées. Plus de 7000 arbres doivent être arrachés et 3548 mètres de clôtures de 2 mètres de haut vont être posés. Une dorsale de raccordement acheminera l’électricité jusqu’à Cajarc et TotalEnergies cherche à construire d’autres centrales dans le parc régional en suivant cette dorsale.

Non loin, toujours sur le Causse de Tour-de-Faure, l’industriel Trinasolar (filiale d’une entreprise Chinoise dirigée par l’ancien directeur régional Total Quadran Sud) vient de déposer un permis de construire pour un parc de 20 hectares qui acheminera l’électricité suivant une dorsale qui suit la vallée du Lot.

A Montcuq, c’est 66 hectares de terres agricoles productives qui doivent-être saisis pour un projet industriel photovoltaïque. Au total dans le Lot, plus d’une vingtaine de projets photovoltaïques sont à l’étude actuellement : Crayssac, Catus, St-Germain du Bel Air, Souillac, Bach, Laramière, Rignac, Lanzac, Lissac et Mouret, Séniergues, St-Jean de Lespinasse, Lachapelle-Auzac, Mauroux, Floressas, Sérignac, Porte du Quercy…

Habitants et élus mobilisés

Concernant le projet de Tour-de-Faure, les élus du Conseil Départemental, la présidente du PNRCQ, les maires des communes avoisinantes, opposés à l’usine photovoltaïque, ont signé une motion commune demandant à la préfète l’abandon du projet.

Ils regrettent que ce projet d’usine photovoltaïque, qui détruit 19 ha de forêts et de pelouses sèches au sein de PNRCQ, se soit construit à bas-bruit et a surgit, au terme d’une enquête publique menée rapidement, sans information, sans concertation avec les acteurs du territoire.

Ils affirment être conscients du réchauffement climatique et de la nécessité impérieuse de produire de l’énergie décarbonée. Mais ils souhaitent agir contre les G.E.S. en préservant les puits de carbone et la biodiversité, dans le cadre d’une COP Régionale avec tous les acteurs du territoire (la Préfète, le Conseil Départemental, le PNRCQ, l’EPCI et les associations environnementales).

Voici un extrait de la lettre que les élus ont adressée à la préfète:

Où était la concertation lorsque les élus des communes avoisinantes s’élevaient contre ce projet en signant une motion commune pour préserver la biodiversité, le patrimoine touristique et culturel, l’économie agricole d’un territoire unique entre Lot et Célé ?
Où était la concertation lorsque, au moment où la préfecture signait le permis de construire, le Conseil Départemental, développant le plan Lot Solaire, s’insurgeait contre « les marchands de soleil » ?
Par la volonté d’un maire, qui ne se préoccupe pas des conséquences écologiques et économiques induites au-delà de sa propre commune, vous allez laisser anéantir toute une région à l’écosystème fragile, au profit d’une multinationale Total énergie, par ailleurs peu appréciée pour ses considérations environnementales, sur la base d’une pensée schizophrénique alliant la dissonance cognitive à l’injonction paradoxale :« Lutter contre les gaz à effet de serre en supprimant les puits à carbone, préserver la biodiversité par la destruction d’espèces protégées. »

Pour l’Association Environnementale Lot Célé favorable au photovoltaïque sur des projets à échelle humaine, qui ne mettent pas en péril la biodiversité et les écosystèmes, ce projet de deux parcs aussi proches est une manœuvre de contournement des lois sur les ENR car il va permettre d’artificialiser plus de 40 ha d’espaces naturels, alors que cette loi stipule qu’il est interdit de raser les forêts pour des projets supérieurs à 25 ha, en détruisant la biodiversité d’un site unique, au profit d’intérêts privés. L’association craint aussi des conséquences sur le système économique de la région et notamment sur l’agriculture locale (renchérissement du prix du foncier) et sur l’activité touristique.

En savoir plus sur le site de l’AELC ICI

Le photovoltaïque est-il si vertueux ?

Si l’énergie solaire est considérée comme une énergie renouvelable, l’utilisation que l’on en fait par l’intermédiaire du panneau solaire en ternit ses vertus écologiques. L’ensemble du processus du photovoltaïque, de l’extraction minière au recyclage, en passant par la fabrication et l’installation, est très énergivore et polluant. En 2021, la Chine produisait 73,4 % du silicium utilisé dans les panneaux et fabriquait 71,4 % de la production mondiale de panneaux. La grande majorité de cette production étant basée sur l’exploitation des Ouïgours dans les centres de rééducation.

Et Quid des centrales photovoltaïques dans 30 ans ? Les industriels vont-ils se charger à leurs frais du démantèlement de milliers d’hectares de panneaux et de leur recyclage. Si ce dernier s’avère trop coûteux les panneaux seront-ils envoyés dans nos décharges ou celles des pays en voie de développement ?

On est donc en mesure de se demander si l’engouement de nos décideurs pour ce secteur d’activité et sa conquête des terres agricoles répond réellement à une préoccupation écologique ou plutôt économique. N’est-ce pas encore la même logique qui se reproduit ici: course au profit, à la croissance, prédation, exploitation de la nature et de l’humain, dénie démocratique et pollution, non considération des générations futures ? Et la sobriété dans tout cela ?

Parc solaire villageois de Brengues

Un autre modèle dans le Lot : local, citoyen et coopératif

Il existe dans notre département des petits parcs photovoltaïques vertueux. Etendus sur environ un demi hectare, ce sont des parcs solaires villageois qui n’ont pas nécessité l’arrachage d’arbres. Ils permettent de produire de l’énergie à l’échelle d’une communauté locale. La Société Coopérative d’Intérêt Collectif CéléWatt basée à Espagnac Sainte Eulalie a été créée pour porter ce type de projet en veillant à l’aspect éthique à tous les niveaux. Elle est gérée par des bénévoles parmi lesquels le maire de Brengues qui en est aussi membre fondateur. Deux parcs d’une puissance limitée de 250 kWc sont déjà en production à Brengues et Carayac. L’objectif de CéléWatt est de créer progressivement une grappe de petits parcs solaires le long de la vallée du Célé et sur les Causses du Quercy environnants.

Retouvez CéléWatt ICI ainsi qu’une interview de Jean-Luc Vallet ICI, Maire de Brengues et vice-président de CéléWatt qui compare les enjeux des grands parcs industriels et ceux des petits parcs citoyens et solidaires.

Citons aussi deux modèles proches de Gignac, à Lachapelle-Auzac, que tout oppose. D’un côté, le parc photovoltaïque créé par Enercoop sur l’ancien entrepôt de pneus à ciel ouvert de Champ-Grézie (830 panneaux photovoltaïques, pour une puissance optimale de 250 KWc) et le parc industriel Luxel de 19 ha environ sur 2 sites (14 ha à Souillac au lieu-dit Bois Nègre et 4,5 ha au Mas Soubrot à Lachapelle-Auzac) qui a nécessité une déforestation importante. Pour sa part, Enercoop Midi-Pyrénées certifie que le démantèlement et le recyclage de l’installation sont assurés en fin de vie par éco-organisme agréé par l’État garantissant ainsi le recyclage à 94,7 % des panneaux photovoltaïques.

Projet au lieu-dit Le Batut – Lachapelle-Auzac

Deux nouveaux projets de centrale photovoltaïque industrielle devraient voir le jour à Lachapelle-Auzac. Un projet porté par EnergieKonto, sur une superficie d’environ 27,7 ha au lieu-dit « Le Batut » (puissance optimale 23,55 MWc, production annuelle escomptée 23,55 GWh, soit l’équivalent des besoins annuels en électricité d’une ville de près de 20 000 habitants) et celui de la société Solarvia, localisé au lieu-dit Poux del lac en bordure de l’A20 d’une surface d’environ 8,21 ha (soit 11 475 panneaux pour une puissance totale d’environ 6,4 MWc).

Alors qu’il existe tellement d’occasions manquées de développer le photovoltaïque sans impact environnemental (entre autre basé sur des modèles d’autoconsommation): sur les toits (notamment dans les zones d’activités économiques et industrielles), les parkings, les décharges, les friches industrielles…

Pour en savoir d’avantage sur le projet de centrale photovoltaïque au lieu-dit Le Batut ICI

Pour aller plus loin, un petit Quizz sur le photovoltaïque ICI

Et une lettre aux élus du Lot de l’Association l’Appel de la Forêt ICI

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