Mais au fait, c’est quoi exactement un tiers-lieu ?

Suite à nos deux articles précédents consacrés à des projets de tiers-lieux, l’un aux Quatre Routes du Lot et l’autre à Gignac, vous avez certainement envie d’en savoir davantage au sujet de ces espaces hybrides, berceaux d’initiatives collectives. D’autant que la définition de « tiers-lieu » est plutôt floue et que le mot est devenu une sorte de fourre-tout. Il paraît d’ailleurs que 8 personnes sur 10 ne savent pas de quoi il s’agit. Nous vous livrons donc le résultat notre petite enquête.

Une tentative de définition

Tout d’abord, la définition du Ministère de la cohésion des territoires : « Les tiers-lieux sont des espaces physiques « pour faire ensemble » : coworking, microfolie, campus connecté, atelier partagé, fablab, garage solidaire, social place, makerspace, friche culturelle, maison de services au public… Les tiers-lieux sont les nouveaux lieux du lien social, de l’émancipation et des initiatives collectives. Ils se sont développés grâce au déploiement du numérique partout sur le territoire. Chaque lieu a sa spécificité, son fonctionnement, son mode de financement, sa communauté. Mais tous permettent les rencontres informelles, les interactions sociales, favorisent la créativité et les projets collectifs. En résumé, dans les tiers-lieux on créé, on forme, on apprend, on fabrique, on participe, on crée du lien social… ». Il ne vous aura pas échappé que cette définition fourmille de mots anglais qui trahissent les origines du concept de tiers-lieux.

Un petit historique

La notion de tiers-lieu remonte aux années 80 et aux travaux du sociologue américain spécialisé dans les questions urbaines, Ray Oldenburg. Selon sa définition, le troisième lieu, entre le domicile (le premier) et le travail (le second) fait référence à des espaces où les individus peuvent se rencontrer, se réunir et échanger de façon informelle. Parce qu’ils instaurent d’autres appropriations et partages de l’espace, ils sont selon lui importants pour la société civile, la démocratie et l’engagement civique. Plus tard, c’est la mutation des modèles traditionnels de travail et d’apprentissage qui a fait renaître la notion de tiers-lieu inspirée d’Oldenburg et qui donnera le jour à Berlin en 1995, au premier espace de travail coopératif historique, le C-base. Fondé sous forme d’un « hackerspace  » participatif avec un accès gratuit au réseau internet, il est rapidement popularisé sous le terme de « coworking » lié à ces nouvelles méthodes de travail collaboratives. En France, le 1er coworking, « La Cantine », voit le jour à Paris en 2008.

Un espace de coworking

Un panel de tiers-lieux

Si l’espace de coworking est peut-être le plus connu, il y a une multitude de tiers-lieux, comme en témoigne la définition du ministère, avec des vocations différentes. Alors, pour s’y retrouver, nous allons nous appuyer sur la classification de Raphaël Besson, chercheur en économie territoriale et développement local. Cette typologie, d’ailleurs basée sur les travaux d’Oldenburg, père des tiers-lieux, distingue :

  • Les tiers-lieux d’activités désignent les espaces de travail partagés et collaboratifs. Ils répondent aussi bien aux besoins des jeunes entrepreneurs, des travailleurs nomades que des entreprises en recherche de flexibilité. On y vient pour partager des outils, et surtout croiser des expériences, échanger, imaginer des projets.
  • Les tiers-lieux d’innovation visent à stimuler les procédés d’innovation à travers l’intelligence collective, l’expérimentation et le prototypage. On retrouve par exemple dans cette catégorie les makerspaces (atelier de fabrication numérique avec mise à disposition de machines-outils), les Fab labs (laboratoires de fabrication où l’on trouve des machines, des artisans, du matériel de fabrication…) et les Living labs (laboratoires vivants participatifs qui impliquent les utilisateurs finaux dans la recherche d’innovation).
  • Les tiers-lieux culturels ont vocation à partager les savoirs et les cultures, en positionnant l’usager au cœur des processus d’apprentissage, de production et de diffusion de ces connaissances. Il peut s’agir des Bibliothèques Troisième Lieu, des centres de culture scientifique, des espaces d’exposition, de microfolies (plateformes culturelles de proximité)…
  • Les tiers-lieux sociaux sont animés par une ambition sociale. Ils répondent aux enjeux de société, de participation citoyenne et d’action publique. À ce titre, on peut citer Disco Soupe, installé à Sarcelles, où les habitants partagent leurs ressources, savoir-faire et compétences afin de préparer des repas pour les personnes en difficulté.
  • Les tiers-lieux de services et d’innovation publique sont déployés par les collectivités pour dynamiser leurs territoires. On peut citer les maisons de services aux publics, les conciergeries solidaires, les commerces multi-services…

Au-delà de ces catégories, beaucoup d’espaces hybrides et multiformes voient le jour avec toujours les mêmes préoccupations: développer « le faire ensemble » et retisser des liens.

Micro-Folie de Sevran pour amener l’art en banlieue

Une finalité commune

Si chaque tiers-lieu est unique car il est à l’image des besoins et des opportunités de son territoire, il repose toujours sur les mêmes notions clés:

  • Une communauté : lieux de sociabilité, les tiers-lieux favorisent les échanges et les rencontres entre des acteurs aux parcours et projets variés, mêlant ainsi co-création, partage, convivialité… Un tiers-lieu n’est pas la somme de projets individuels mais bien un projet collectif, voulu et porté par une communauté (habitants, entreprises, indépendants, associations, collectivités…).
  • Un territoire: les tiers-lieux physiques s’intègrent aux projets de développement de leur territoire. Ils sont adaptés à leur environnement pour y apporter une réelle valeur ajoutée au service des usagers.
  • Une gouvernance: lieux basés sur la co-création, leur gouvernance et fonctionnement tendent à être ouverts et participatifs.
  • Des animations: lieux vivants, les tiers-lieux sont animés le plus souvent par la communauté elle-même afin de partager et mettre en lumière les capacités et talents de chacun.

Finalement, nous pourrions définir le tiers-lieu comme tout espace ouvert et hybride, entre écosystème créateur de valeur et lieu de vie. Sa principale vocation est de favoriser les échanges et les rencontres entre des acteurs hétérogènes d’un territoire donc le bien vivre ensemble, tout en activant les ressources locales et, in fine, créer de la valeur (économique, sociale, éducative…) sur ce dernier.

Une démarche de co-construction qui renvoie au projet des Quatre Routes du Lot

Espace décloisonné et ouvert sur l’extérieur, le tiers-lieu s’inscrit dans l’idée que chaque personne a quelque chose à apporter pour participer à la vie de la communauté et que chacun est à la fois usager et contributeur de cet espace partagé. En s’appuyant sur l’expertise des porteurs de projet, la mise en place de celui-ci se fait en général à travers une démarche participative de co-construction avec les citoyens. Les activités qui sont proposées dans ces espaces correspondent à des besoins identifiés du territoire. En permettant de repenser et de relocaliser la création d’activités au sein des territoires, en proposant des projets inclusifs, les tiers-lieux offrent une réponse à la disparition des lieux de socialisation traditionnels, à la désertification, à la fracture numérique et à l’isolement culturel.

Enfin, pour comprendre ces endroits atypiques et découvrir les formes très différentes qu’ils peuvent prendre, deux journalistes ont entrepris un tour de France des tiers-lieux qu’elles nous restituent sous forme d’un podcast documentaire intitulé « T’as de beaux lieux ». Tous les 15 jours, elles nous livrent un reportage consacré à un de ces lieux qui changent le monde, ces nouveaux espaces d’expérimentation qui tentent d’inventer une société plus soutenable, plus durable. Pour les oreilles curieuses, c’est ICI !

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