Récit d’une journée de vote à Gignac

Puisqu’il semble qu’il faille le rappeler encore une fois, cet article est en LIBRE EXPRESSION, c’est-à-dire qu’il émane d’un adhérent de l’association Gignac Ensemble qui écrit en son nom et sous sa responsabilité, sans engager en aucune manière l’association en tant que telle.

Quelque temps avant les élections législatives, je reçois un mail de l’équipe de campagne de l’un des 12 candidats, me demandant si j’accepterais d’être assesseur ou délégué dans ma commune. Je réponds positivement pour un poste d’assesseur titulaire.

Le dimanche 12 juin, je me présente donc au bureau de vote à 7h30, comme il est d’usage. L’accueil est froid, pour ne pas dire glacial : madame la maire remplit des papiers et fait mine de ne pas m’avoir vu, les autres élus présents continuent leur activité comme si de rien n’était, comme si je n’étais même pas entré.

Pourtant ils ont bel et bien reçu l’information ; ont-ils pensé que je ne viendrais pas, ou que je ne resterais pas ? Mystère.

Je souhaite procéder aux vérifications d’usage (affichages, table de vote, bulletins des candidats, cahier d’émargement, etc.) mais monsieur Ricou tente physiquement de m’en empêcher : il se confirme que je ne suis pas du tout le bienvenu.

Pensant que madame la maire sera la présidente du bureau de vote, je lui demande la liste des autres assesseurs mais elle me répond que M. Ricou sera président, madame Gauchet vice-présidente et secrétaire, MM Faurel et Goillon ainsi qu’elle-même assesseurs. Tiens donc, je ne suis même pas prévu, comme le confirme la feuille de présence pré-imprimée !

Je demande à faire corriger cette feuille de présence, ce qui est fait, mais je suis placé non pas en remplacement de l’un des assesseurs prévus (la loi dit que 2 assesseurs titulaires suffisent), mais en doublon !

Je constate aussi des choses curieuses : plusieurs présidents de bureau vont se succéder dans la journée, aucun président adjoint n’est mentionné et la notion d’assesseur titulaire et d’assesseur suppléant semble leur être inconnue.

Puis je fais remarquer que la hauteur des tas des bulletins est assez inégale (c’était prévu pour 3 des candidats mais pas pour les autres), mais cela ne semble déranger personne.

Nous sommes tout juste prêts pour 8 heures quand les premiers électeurs se présentent.

Je demande alors où sont passées les 2 clés de l’urne ; M. Ricou me répond qu’il en détient une (ce qui est normal en tant que président) et que M. Goillon a la deuxième. Je fais remarquer que c’est une grave faute procédurale puisque la 2ème clé doit être tirée au sort entre les différents assesseurs (article L63 du code électoral). On notera que cette seule anomalie suffit à faire annuler l’élection. Mais la seule conséquence, c’est que ma remarque déplait considérablement ; respecter la loi est donc si difficile ?

Très rapidement, je constate qu’on laisse voter des personnes qui se présentent sans aucun papier (ni carte électorale ni pièce d’identité) au mépris du code électoral (article 60) : on me répond qu’on est un petit village et qu’on connait les gens ! Certes, mais Gignac serait-elle au-dessus des lois ? Pourquoi le code électoral est-il affiché alors ?

Je fais remarquer que cela commence à faire beaucoup d’anomalies en vraiment très peu de temps, et là je suis verbalement agressé par le président du bureau de vote, avec des propos à la limite de la diffamation, et que tous les présents auront entendus.

Pour rappel, la diffamation envers les personnes fait l’objet de l’article 29 de la loi du 29 juillet 1881. Les personnes concernées pourront y trouver les sanctions encourues.

Et maintenant, quand une personne se présente sans pièce d’identité, on me désigne en disant : « Attention, le monsieur là-bas il surveille, on est contrôlé ! ». Alors que « le monsieur là-bas », il fait juste son travail d’assesseur, son travail de citoyen.

D’autres anomalies, plus mineures – si l’on peut dire, se succèdent : électeurs ne passant pas par l’isoloir, carte électorale remise avant la signature du registre, remise de l’enveloppe par l’assesseur alors que c’est l’électeur qui doit la prendre lui-même et seulement quand son inscription a été validée, etc.

Devant tous ces faits et conformément à mon mandat, j’avertis l’équipe du candidat par SMS de ces irrégularités et la réponse ne tarde pas à arriver : le candidat va venir voir comment ça se passe.

M. Grossemy arrive vers 10h15, alors que j’ai terminé ma première période de permanence. Je lui fais part de ce que j’ai constaté et il vient vérifier par lui-même dans le bureau de vote. Calmement mais fermement, il effectue quelques vérifications, demande comment est l’ambiance et on lui répond que « tout se passe très bien ». Il rappelle quelques éléments de la loi, constate qu’il n’y a pas de vice-président officiellement désigné et fait changer de place le président du bureau qui doit toujours se tenir derrière l’urne.

Je reviens ensuite dans l’après-midi pour prendre ma deuxième permanence, et là, curieusement, l’ambiance est un peu moins agressive à mon encontre, je dis bien « un peu moins ».

Pour autant, d’autres irrégularités surviennent, comme la consultation de la liste d’émargements qui permet de savoir qui est déjà venu voter et qui ne l’est pas, ce qui est formellement interdit par le code électoral.

À 18 heures, le scrutin est clos et le dépouillement va pouvoir commencer.

La procédure recommandée est que le président du bureau de vote demande, en cours de journée, à des électeurs pris au hasard, s’ils seraient disponibles pour être scrutateurs, car les membres du bureau de vote ne peuvent être scrutateurs qu’à condition qu’ils n’aient pas trouvé suffisamment d’électeurs pour cela. Mais au cours des 4 heures que j’ai passées à la table de vote, aucun électeur n’a été sollicité pour cette fonction.

Les tables sont déplacées et la table de dépouillement placée contre un mur empêchant tout citoyen d’en faire le tour. Des chaises ont été placées « pour le public », séparant nettement la zone des « spectateurs » de celle des dépouilleurs : tout ceci est contraire aux recommandations qui veulent que rien ne puisse laisser de doute quant à la régularité des opérations.

Et nouvelle grave erreur : l’urne est ouverte avant que le décompte des émargements ne soit terminé !

Habituellement (cela fait plus de 40 ans que je participe aux dépouillements dans de nombreuses communes de toutes tailles), les tables de scrutateurs sont composées de 4 personnes : une qui ouvre l’enveloppe, une qui lit le nom, et les deux autres, placées en quinconces, qui cochent les bâtonnets sur les listes.

A Brive en 2017

Mais à Gignac, rien de tout cela : pas moins de 4 élus sont chargés d’ouvrir les enveloppes et 3 scrutateurs notent ! Etonnant, non ?

À la fin des fins, on viendra me demander gentiment de bien vouloir signer les documents officiels… puisque c’est obligatoire !

Et cerise sur le gâteau, les résultats sont publiés à 19h52 sur Intramuros, soit 8 minutes avant l’heure officielle.

Au final, une journée éprouvante, qui montre une fois de plus que certains gignacois semblent se considérer comme plus gignacois que d’autres…

Au fait, avez-vous compté l’ensemble des irrégularités que j’ai décrites ? Ne cherchez plus, une bonne quinzaine !

Post scriptum : bien sûr que Gignac est une petite commune et qu’on connaît beaucoup de monde. Mais la loi doit s’appliquer partout pareil, sinon où est la limite ? Toutes ces procédures sont justement faites pour qu’il ne puisse pas y avoir l’ombre d’une suspicion d’irrégularité. Doit-on rappeler qu’à Marseille en 2017 le président du bureau de vote est rentré chez lui avec la sacoche officielle contenant la feuille d’émargement et le procès-verbal ? Et quoi de mieux qu’un contrôle citoyen plutôt que tous les éléments sensibles soient entre les mains d’un même groupe de personnes ?

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