Nous avons donc assisté à cette conférence-débat organisée par la Ligue des droits de l’homme (section de Martel) et le comité ATTAC de Souillac, événement que nous avions annoncé précédemment.
Devant plus d’une centaine de personnes à la salle des fêtes de la Raymondie de Martel, les deux journalistes invités nous ont livré des témoignages fournis, frappants et très instructifs. Il était d’autant plus intéressant de les réunir ici que l’un a l’expérience de la presse nationale télévisée tandis que l’autre travaille à l’échelle locale, celle du département. Après deux heures de conférence devant un public attentif, le débat s’est poursuivi entre ce dernier et les journalistes avec pertinence de questions et d’échanges. Il va s’en dire que ce thème de la liberté d’expression nous a fortement interpellé, notre association subissant elle-même une forme de censure.
Pour vous faire partager l’essentiel de cette conférence, nous relayons ci-dessous un compte rendu rédigé par la section de la LDH de Martel:
XXVe rencontre de Martel
9 octobre 2021
Liberté d’expression, la presse en danger ?
Intervenants : Bruno Masure, journaliste, Jean-Claude Bonnemère, rédacteur en chef de la Vie Quercynoise.
Les grandes lignes du sujet à traiter étaient :
Bruno Masure a fait un rappel de la situation qu’il a vécue des années 70 à la fin des années 90. Durant son séjour à TF1, contrôlée par Bouygues, il lui est arrivé de se faire reprocher certains de ses propos mais il dit avoir toujours gardé sa liberté d’expression. Il lui a été notamment délicat de s’exprimer sur des sujets touchant directement les actionnaires ou les annonceurs de la chaîne. Par contre, un passage de quelques années à RMC lui laisse le souvenir d’une radio à la botte de l’Etat .
Pour ce qui concerne la période actuelle, où Bruno Masure n’est plus actif mais toujours intéressé et informé, il déplore l’influence délétère des chaines d’information surtout celles qui sont des chaînes d’opinion. Il leur reproche vivement, par exemple, la mise en danger des otages de l’hyper cacher du fait de la recherche d’un scoop, ou encore dénonce le rôle extrêmement nocif de Vincent Bolloré, qui a détruit Canal+ et alimente la montée de personnages sulfureux.
En réponse à une question, BM déplore l’actuel « journaliste bashing » (pressions et attaques contre les journalistes venant de la classe politique comme des mouvements sociaux) qui oblige notamment les journalistes à se rendre dans des manifestations ou rassemblements politiques avec des gardes du corps et à utiliser des micros anonymisés.
BM déplore aussi l’autocensure de la presse qui depuis quelques années, cédant à diverses pressions, limite la liberté d’expression des dessinateurs de presse ou les supprime carrément.
Il regrette également l’inefficacité à ses yeux du CSA.
Jean-Claude Bonnemère a fait part de son expérience régionale au sein de la Vie Quercynoise et de son pendant sur internet, Actu-Lot, tous deux dans le groupe Ouest France.
Le budget de ces médias est formé de 1/3 de ventes, 1/3 d’annonces, 1/3 de publicité. Les publicités sont essentiellement locales et la réactivité des annonceurs au contenu des articles est très forte. La Vie Quercynoise a perdu d’importants budgets à la suite de la parution de certains articles.
Ces dernières années la Vie Quercynoise a subi 5 attaques en diffamation. Elle a gagné tous les procès mais bien évidemment le temps qui leur est consacré l’est au détriment de l’activité journalistique. Sans le soutien du groupe Ouest France le média ne pourrait pas faire face à ces attaques. Par ailleurs la Vie Quercynoise est soumise à une forme d’omerta, imposée par le département ou le système judiciaire afin de préserver des intérêts privés ou corporatifs, sorte de censure locale.
Charles Soubeyran conclut la rencontre par une note sur les dessinateurs de presse :
Nos amis dessinateurs de presse, comme Jiho, n’ayant pu être présents, quelques mots sur leur liberté d’expression. Ils ont (et ont été) souvent en première ligne du temps de la censure avec, pour certains comme Siné, des procès à répétition. Mais, ce qui apparaît ces dernières années, c’est leur censure par les organes de presse qui les emploient. Ainsi le New York Times a décidé de ne plus publier de dessins suite à un dessin controversé. Cette année, c’est le Monde qui a présenté des excuses et désavoué son dessinateur (qui avait 15 ans d’activité !) pour un dessin sur l’inceste. Très récemment, c’est la députée LREM du Lot qui a publié un communiqué furibond contre l’exposition sur Gaston Monnerville (raciste, indigne de la nation) en promettant des suites aux organisateurs. Le motif : des caricatures du Canard Enchaîné sur de Gaulle et Monnerville datant des années 60.
Ce qui prouve que si nous ne voulons pas mourir idiot il faut défendre fermement la liberté d’expression de tous, dessinateurs compris.
De nombreuses questions restent ouvertes faute de temps, sur le développement d’une presse alternative indépendante de tous les intérêts financiers, sur la restriction des moyens d’expression des minorités, et sur la montée de la servitude volontaire.