Alerte de la Défenseure des droits sur le projet de « loi immigration »

Régulièrement nous relayons, l’avis de la Défenseure des droits sur des sujets d’actualité importants, ici il s’agit du projet de loi immigration et intégration.

Rappelons que le Défenseur des droits est une autorité administrative indépendante chargée de veiller au respect des libertés et des droits des citoyens. Créée en 2011 et inscrite dans la Constitution, elle a deux missions : défendre les personnes dont les droits ne sont pas respectés et permettre l’égalité de tous.

Auditionnée le 17 novembre 2023 par les rapporteurs de la commission des lois de l’Assemblée Nationale sur le projet de la nouvelle « loi immigration », la Défenseure des droits a alerté sur trois axes particulièrement problématiques :

  • Le projet de loi multiplie les dispositifs de sanction et les mesures coercitives applicables aux étrangers, en se prévalant d’un objectif de protection de l’ordre public dont il ne s’agit évidemment pas de nier l’importance, mais dont les contours sont de plus en plus flous.
  • Il accroît démesurément les exigences d’intégration concomitamment à une précarisation sans précédent du droit au séjour et de l’accès à la nationalité, au risque d’augmenter le nombre d’étrangers en situation irrégulière.
  • Il remet profondément en cause les équilibres existants et menace ainsi les droits de tous, notamment en matière d’accès à la santé. 

Dans l’intégralité de son avis de 97 pages, publié le 24 novembre, elle détaille les nombreux points de ce projet de lois qui posent problème. Cet avis est consultable ICI 

Citons quelques mesures phares déplorées par la Défenseure des droits:

  • La diminution des garanties procédurales attachées au placement et au maintien en zone d’attente des étrangers en cas d’arrivées simultanées sur le territoire d’un nombre important de personnes.
  • La réduction drastique des voies d’accès au séjour, notamment des personnes dont la vulnérabilité particulière commanderait pourtant de leur assurer des protections renforcées, mais aussi en matière d’immigration dite « choisie ».
  • La remise en cause du droit au séjour de longue durée des titulaires de la carte de résident, dont la vie privée et familiale est, par définition, établie en France.
  • Des limitations inédites du droit de vivre en famille, y compris pour les réfugiés et les Français avec le durcissement des conditions d’accès au regroupement familial.
  • Une fragilisation globale du droit au séjour acquis concourant au maintien, dans une insécurité administrative permanente.
  • Une restriction conséquente des procédures d’accès à la nationalité française.
  • Un droit au séjour sous caution pour les étudiants.
  • Une profonde remise en cause du droit au séjour des étrangers malades qui n’est ni justifiée, ni souhaitable.
  • La remise en cause de l’admission au séjour pour soins telle qu’elle est actuellement garantie par la France.
  • La suppression de l’aide médicale d’Etat qui va à rebours de l’intérêt général en terme de santé publique et économique. Essentielle pour la santé des bénéficiaires, elle contribue à prévenir la propagation de maladies.
  • La remise en cause du droit inconditionnel à l’hébergement d’urgence — Art. 19 ter A Le droit à l’hébergement d’urgence est consacré de façon inconditionnelle dans la loi, l’article L. 345-2-2 du CASF prévoyant que : « Toute personne sans abri en situation de détresse médicale, psychique ou sociale a accès, à tout moment, à un dispositif d’hébergement d’urgence ». Or, le projet de loi prévoit de revenir sur cette inconditionnalité à l’égard des étrangers faisant l’objet d’une obligation de quitter le territoire français ou déboutés de l’asile.

Régulièrement, la Défenseure des droits demande aux pouvoirs publics de mettre tout en œuvre pour produire une offre d’hébergement adaptée aux besoins, la sélection des personnes au regard de leur nationalité ne pouvant constituer la variable d’ajustement d’un dispositif qui, en dépit de la hausse substantielle du nombre de places ces dernières années, demeure inadapté à la demande.

Pour la Défenseure des droits s’exprimant dans une tribune du Monde le 9 décembre: « Un équilibre doit exister entre d’une part le droit souverain des États de décider des règles d’entrée et de séjour sur le territoire en tenant compte de l’impératif de sauvegarde de l’ordre public, et d’autre part la nécessaire protection des droits fondamentaux. Le projet de loi bouleverse profondément cet équilibre, au profit de nouvelles formes d’ostracisme et au détriment de principes juridiques essentiels, en particulier les principes de dignité et d’égalité. Cette rupture dans la protection des droits et libertés en France emporterait des effets néfastes pour la cohésion sociale et l’intérêt général. »

 

Pour aller plus loin:

A Regarder et à entendre, la très éclairante émission A l’air Libre de Médiapart du 18 janvier 2024 sur le sujet, et ses remarquables invités qui nous expliquent en quoi cette loi est anticonstitutionnelle. ICI

A lire aussi  » l’appel des 201 contre la loi immigration »: deux cent une personnalités d’horizons divers, dont l’ex-Défenseur des droits Jacques Toubon, appellent à marcher le dimanche 21 janvier dans toute la France pour demander au Président de la République de ne pas promulguer la loi immigration.  ICI

Ou encore l’appel d’une centaine d’organisations humanitaires et de défense des droits de l’homme. ICI

Rappel de la défenseure des droits sur le respect des règles de déontologie par les forces de sécurité

Comme nous en avons pris l’habitude, nous relayons à nouveau la position de la Défenseur des Droits, ici sur les violences possibles des forces de l’ordre lors des dernières manifestations, tant il vrai que ce sujet pourrait tous nous concerner directement un jour ou l’autre.

Préoccupée par les vidéos circulant sur les réseaux sociaux, de nombreux articles de presse, des témoignages et saisines reçus par l’institution sur de possibles manquements déontologiques dans le maintien de l’ordre au cours des évènements des jours derniers, la Défenseure des droits tient à rappeler ses recommandations.

Autorité administrative indépendante inscrite dans la Constitution, l’institution du Défenseur des droits est l’autorité de contrôle externe chargée de veiller au respect des règles de déontologie par les personnes exerçant des activités de sécurité sur le territoire de la République.

Le Défenseur des droits a, à plusieurs reprises, documenté l’usage de la force dans le cadre du maintien de l’ordre et les règles de déontologie qui s’imposent (rapport réalisé en 2017 à la demande du président de l’Assemblée nationale sur « les conséquences de la doctrine et de la pratique du maintien de l’ordre en France par les forces de l’ordre au regard des règles de déontologie qui s’imposent à elles », avis 2020-08 relatif au nouveau schéma national du maintien de l’ordre ; décision cadre 2020-131 sur les pratiques du maintien de l’ordre au regard des règles de déontologie; étude sur la désescalade de la violence et la gestion des foules protestataires en 2021).

Alors que de nombreuses manifestations se déroulent actuellement, la Défenseure des droits souhaite que ses recommandations issues de ces travaux d’étude et saisines soient suivies d’effets, en particulier les préconisations suivantes :

– encadrer strictement les contrôles d’identité, les fouilles et les filtrages, afin que ces mesures soient, dans le cadre des manifestations, justifiées et réalisées dans le respect des libertés individuelles et dans des conditions conformes aux règles déontologiques ;

– s’assurer que l’encagement est utilisé de manière nécessaire et proportionnée, dans les conditions prévues par la décision du conseil d’Etat du 10 juin 2021 sur le schéma national du maintien de l’ordre, notamment en prévoyant systématiquement un point de sortie ;

– recentrer le maintien de l’ordre sur la mission de police administrative de prévention et d’encadrement de l’exercice de la liberté de manifester, dans une approche d’apaisement et de protection des libertés individuelles.

Elle souligne que le respect des règles de déontologie est essentiel pour apaiser les tensions et favoriser la confiance entre la police et la population.

Enfin, la Défenseure des droits alerte sur les conséquences d’interpellations qui seraient préventives de personnes aux abords des manifestations. Elle souligne que cette pratique peut induire un risque de recourir à des mesures privatives de liberté de manière disproportionnée et de favoriser les tensions. La liberté individuelle ne peut être limitée que dans le cadre et les conditions fixées par la loi.

Au titre de sa mission de contrôle du respect de la déontologie par les forces de sécurité, la Défenseure des droits est compétente pour traiter toute réclamation relative à de possibles manquements dans le cadre du maintien de l’ordre, qu’elle émane de victimes ou de témoins.

La Défenseure des droits, inquiète des témoignages dont elle est destinataire, restera vigilante quant à la bonne application des règles de déontologie par les forces de sécurité.

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La défenseure des droits fait des recommandations face aux dysfonctionnements de « Maprimerénov’ »

Impossibilité de créer un compte ou un dossier, de déposer en ligne les pièces justificatives, de modifier les éléments du dossier et finalement d’engager les travaux…, telles sont les difficultés dans l’accès au service « MaPrimeRénov’ », qui peuvent conduire les usagers les plus précaires à se retrouver dans une situation encore plus difficile. La Défenseure des droits a donc décidé de publier une décision portant recommandations générales à l’Agence nationale de l’habitat (Anah).

Les effets pervers du tout dématérialisé

Les demandes d’aide dans le cadre du dispositif « MaPrimeRénov’ » doivent obligatoirement être réalisées de manière dématérialisée par le biais d’un formulaire rempli en ligne sur la plateforme dédiée. La Défenseure des droits a alerté l’Anah sur les conséquences de la dématérialisation totale de la procédure qui conduit à priver certains bénéficiaires potentiels d’une aide.

En effet, alors que le ministre délégué à la Ville et au Logement a annoncé la mise en place d’un nouveau dispositif d’aide, basé sur celui de « MaPrimeRénov’ », la Défenseure des droits rappelle que la réalisation des démarches administratives dématérialisées doit demeurer une possibilité ouverte à l’usager et non devenir une obligation. L’usager doit pouvoir choisir le mode de communication le plus approprié à sa situation lorsqu’il échange avec l’administration.

Par conséquent, dans la mesure où la plateforme « MaPrimeRénov’ » subit depuis sa mise en place de graves dysfonctionnements techniques récurrents, la Défenseure des droits estime qu’il incombe désormais à l’Anah d’y remédier. Elle lui adresse donc plusieurs recommandations, notamment :

  • Résoudre définitivement les difficultés techniques affectant sa plateforme de dépôt des dossiers
  • Diminuer les délais de traitement des dossiers confrontés à des difficultés
  • Améliorer l’information des usagers notamment par la mise en place d’interlocuteurs qualifiés
  • Régulariser l’ensemble des demandes d’aide n’ayant pu aboutir en raison de difficultés imputables à la mise en œuvre du dispositif

Pour accéder au rapport, cliquez ICI.

Un extrait du rapport montrant comment sont traités les citoyens les plus en difficulté :

 

Un nouvel avis de la Défenseur des Droits sur la question « Immigration, Asile et intégration »

Il s’agit de l’avis 22-04, envoyé au Parlement, relatif à la mission « immigration, asile et intégration » du projet de loi de finances pour 2023.

Dans cet avis, Claire Hédon souligne notamment les éléments suivants :

  • Les constats posés en 2016 d’une ineffectivité des droits des étrangers demeurent, malgré les différentes réformes législatives opérées depuis.
  • Ces constats ont été aggravés par la dématérialisation des procédures de demandes de titre de séjour.
  • Les atteintes majeures aux droits fondamentaux des étrangers se poursuivent et doivent cesser.
  • Concernant le droit au séjour des mineurs non accompagnés à leur majorité, et notamment pour ceux qui ont été confiés à l’Aide sociale à l’enfance après l’âge de 16 ans, malgré les circulaires prônant un examen bienveillant de ces demandes de titres de séjour, nous constatons qu’elles sont examinées dans un délai moyen de 2 ans sans que l’intéressé ne soit admis au séjour durant l’instruction de la demande.
  • Le placement d’enfants en centre de rétention administrative se poursuit. Or, la rétention des enfants, quelle que soit sa durée, est néfaste pour la santé et le développement des enfants. Le Défenseur des droits n’a de cesse de dénoncer cette pratique.

L’avis est complet est téléchargeable ici : https://juridique.defenseurdesdroits.fr/doc_num.php?explnum_id=21475

Rappel de la mission du Défenseur des Droits : « Le Défenseur des droits veille au respect des droits et libertés » – article 71-1 de la Constitution

Si vous pensez que vos droits n’ont pas été respectés, les équipes du Défenseur des droits vous accompagnent gratuitement. La procédure est décrite ici :  https://www.defenseurdesdroits.fr/fr/obtenir-de-laide

La défenseure des droits alerte sur les inégalités d’accès aux services publics suite au système de dématérialisation

3 ans se sont écoulés depuis le premier rapport du Défenseur des droits sur la dématérialisation et les inégalités d’accès aux services publics. Durant ces 3 années, la transformation numérique de l’administration et des services public s’est poursuivie, entrainant une évolution profonde de la relation à l’usager. Dans le même temps, les politiques d’inclusion numérique ont tenté d’accompagner ces changements, particulièrement auprès des publics les plus vulnérables.

Pourtant, les délégués et les juristes du Défenseur des droits continuent de recevoir des réclamations toujours plus nombreuses, preuve que le mouvement de numérisation des services se heurte encore aux situations des usagers.
C’est pourquoi il est apparu nécessaire au Défenseur des droits d’établir un rapport de suivi sur les inégalités d’accès aux droits provoquées par des procédures numérisées à marche forcée. Ce rapport fait état des évolutions (parfois des progrès, parfois des reculs) observées ces dernières années et revient sur la façon dont les différentes préconisations émises dans le rapport de 2019 ont été – ou non – suivies d’effet.

Nous vous mettons ICI le contenu de ce nouveau rapport et vous pourrez notamment y lire (pages 42 à 44) la dépendance que subissent les personnes âgées. On y notera, ironiquement mais tristement, que le service des retraites de l’État explique qu’il accompagne les usagers qui éprouvent des difficultés à l’aide d’un film explicatif disponible sur le site de l’ENSAP : comment visionner le film quand on ne sait pas utiliser internet et pire quand on n’a pas d’ordinateur ?